BRACERS Record Detail for 53232

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Collection code
RA3
Recent acquisition no.
422
Box no.
6.51
Source if not BR
La Chaux-de-Fonds Bib.
Recipient(s)
Couturat, Louis
Sender(s)
BR
Date
1904/05/17
Form of letter
ALS(X)
Pieces
4
BR's address code (if sender)
IVL
Transcription

BR TO LOUIS COUTURAT, 17 MAY 1904
BRACERS 53232. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #135
Edited by A.-F. Schmid


Ivy Lodge,
Tilford,
Farnham.a
le 17 mai 1904

Cher Monsieur,

Je regrette que la lecture de mon article soit si dure. Au fond, je suis d’opinion que la logique symbolique n’est pas plus difficile que la mathématique ordinaire, mais qu’on n’y est pas habitué, et qu’il est difficile de trouver tout de suite la meilleure méthode pour exposer des idées nouvelles. Pensez-vous que nous aurions pu comprendre les premiers mémoires de Leibniz sur le calcul infinitésimal ? Il n’explique rien, le tout est complètement obscur. J’espère, pour ma part, que dans mon Vol. II je m’exprimerai beaucoup mieux que dans la Revue de Mathématiques. Pour les segments, si vous comparez mon *5 avec Cantor, Math. Annalen, 49, § 13, vous trouverez que je n’ai fait que traduire ses arguments en symboles. Mais les raisonnements verbales peuvent toujours cacher des paralogismes, ce qui est beaucoup plus rare dans les raisonnements symboliques.

Quant au mot disjointes, Peano introduit sans le savoir une idée primitive (x ; y), où il est permis de supposer x = y.(1) Pour cette raison, il n’est pas nécessaire pour lui de supposer

uv = Ʌ en démontrant

Nc‘(uv) = Nc‘u × Nc‘v

Mais vous avez raison d’introduire le mot disjointes, car du moment qu’on abandonne cette idée primitive subreptice, il devient nécessaire de supposer

uv = Ʌ.b C. à d., si on met

(uv) = w ɜ [Ǝux ɜ {Ǝvy ɜ (w = ιx ∪ ιy)}] Df

la classe w contiendra des membres qui n’auront qu’un terme, si on a Ǝuv, car alors

x ε uv . ⸧ . ιx ε (uv)

Mais si Nc‘(uv) > 1 , on n’a pas en générale Nc‘(uv) = Nc‘u × Nc‘v d’après la Df que je viens de donner, car si on a

x, y ε uv . x ~ = y, la classe ιx ∪ ιy paraîtra deux fois.

Prenez par exemple les deux classes ιa ∪ ιb ∪ ιc, ιa ∪ ιb. Les termes de (uv) sont dans ce cas

ιa, ιb, ιa ∪ ιb, ιa ∪ ιc, ιb ∪ ιc

qui ne sont qu’au nombre de cinq au lieu de six. Donc Peano se trompe.

La remarque de Burali-Forti me paraît erronée. On a

Nc fin = x ɜ {0 ε s : n ε s . ⸧n . n + 1 ε s : ⸧s . x ε s}

Il semble que Burali-Forti n’a pas observé que la classe s est variable.

Pour la série

0, 1, 2, … ω, ω + 1, ω + 2, …

on a

{0 ε Nc fin : n ε Nc fin . ⸧n . n + 1 ε Nc fin : ω ~ ε Nc fin}

Donc Ǝs ɜ [0 ε s : n ε s . ⸧n . n + 1 ε s : ω ~ ε s] Doncc la série 0, 1, 2, … , ω, ω + 1, ... n’obéit pas à la loi de l’induction complète. Dans la théorie logique, on démontre les axiomes, p. ex. on démontre

n + 1 = m + 1 . ⸧ . n = m

La théorie de Padoa me paraît toute aussi bonne que celle de Peano ; mais pour ma part je n’aime pas cet appareil d’indéfinissables et d’axiomes là où l’on devrait tout définir et tout démontrer.

Je regrette que ma géométrie ne vous plaît pas. Vous savez que je substitue les Df aux Pp. Dans le Chap. XLIX vous trouverez des Df précises. Voici, en neuf étapes, la définition de l’espace projective :

Sl1 = Cls‘Rel ∩ K ɜ [R ε K . ⸧R : Nc‘ρ > 2 . R ⸧ 0’ . R2 ∩ 0’ ⸧ R : x ε ρ . ⸧x . ρ = ρx ∪ ιx] Df

Sl2 = Sl1K ɜ {Nc‘K > 1 : R, R’ ε K . x ε ρ . y ε ρ’ . x ~ = y . ⸧ . KR ɜ (xRy) ε 1} Df

et ainsi de suite (le reste se trouve p. 436). Le tout se trouvera dans le Vol. II. Un théorème intéressant est que, si on ad un espace suffisamment projective, l’hypothèse qu’un point ne peut jamais coïncider avec son conjugué harmonique est équivalente à l’hypothèse qu’il y a au moins une droite sur laquelle il y a plus de trois points. (Voir Pieri et Fano pour la nécessité de la première hypothèse ou d’une hypothèse équivalente.)

Je n’aime pas le mouvement en géométrie. Quant à Hilbert, mon opinion coïncide avec la vôtre.

Quant à l’espace, je soutiens mon opinion. Il est vrai qu’il faut un long travail d’élaboration pour arriver à un espace géométrique, mais il faut des données pour l’élaboration. Il a fallu un long travail pour construire la carte de l’Afrique ; pourtant c’est l’expérience qui a fourni les données du travail. Il est vrai que les relations spatiales ne sont pas nécessaires (si ce mot a un sens) ; c’est la marque habituelle des faits empiriques. Mais je ne me sens pas très à l’aise dans cette question, qui appartient à la théorie de la connaissance, pas à la logique. — Je me promets beaucoup de plaisir et d’instruction en lisant votre article sur Kant. Je suis entièrement de votre avis au sujet du savoir et de la foi. Nous avons dans ce pays des disciples de William James, qui prétendent que la volonté est la source des axiomes. C’est bien vrai pour les axiomes de leur philosophie. Je trouve qu’on ne peut rien faire de pire que d’affaiblir la distinction entre le vrai et le faux : ce n’est que l’orgueil qui fait croire qu’on est l’arbitre des vérités.

Je crois qu’il n’est pas possible de rendre vos articles plus clairese que vous le faîtes.e Ils me paraissent être d’une lucidité merveilleuse.

Croyez toujours, cher Monsieur, à mes sentiments les plus dévoués.

Bertrand Russell.

Notes

aAdresse imprimée b[, à moins qu’on n’admette des classes qui n’ont qu’un terme] c[ω ~ ε Nc fin] d[K est la classe des relations génératrices] e-fsic

Publication
Schmid, Russell—Couturat 2: #135
Permission
Everyone
Transcription Public Access
Yes
Record no.
53232
Record created
Aug 23, 1993
Record last modified
Nov 27, 2025
Created/last modified by
blackwk