BRACERS Record Detail for 53230

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Collection code
RA3
Recent acquisition no.
422
Box no.
6.51
Source if not BR
La Chaux-de-Fonds Bib.
Recipient(s)
Couturat, Louis
Sender(s)
BR
Date
1904/04/22
Form of letter
ALS(X)
Pieces
4
BR's address code (if sender)
IVL
Notes and topics

BR on the nature of space. Burali-Forti, vol. 2.

Transcription

BR TO LOUIS COUTURAT, 22 APR. 1904
BRACERS 53230. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #133
Edited by A.-F. Schmid


Ivy Logde,
Tilford,
Farnham.a
22 avril 1904.

Cher Monsieur,

La question de l’espace est difficile, et la vérité me paraît assez complexe. Voici, en bref, mes opinions :

(1). Quand M. Poincaré dit qu’on peut choisir le groupe euclidien ou le groupe non-euclidien selon la commodité, je crois qu’il n’envisage pas une telle liberté que celle dont je vous parlais dans ma dernière lettre. Dans tous ses groupes, ma tableb serait plus près de moi que le soleil : les parties de la table seraient plus près les unes des autres que du soleil, et ainsi de suite. Mais quand on néglige l’expérience, il n’y a aucune raison logique pour un tel choix. Etant donnéc une classe de 2α0 points, telle qu’est l’espace, aucune classe de 2α0 points contenus dans l’espace, et telle qu’il reste dans l’espace 2α0 autres points, peut former une droite : il y a des classesd de relations qui engendrent des espaces composés exclusivement de points donnés, et telles qu’il y a une relation de la classe dont le champ se compose des points qu’on voulait ranger dans une droite. Voici une liberté qui va beaucoup plus loin que celle qu’invoque M. Poincaré ; et je ne puis douter que c’est l’expérience, du moins en partie, qui restreint cette liberté.

(2). Si vous admettez, même de la manière la plus vague et générale, qu’il y a des arrangements des points de l’espace qu’excluee l’expérience, vous admettez que l’expérience peut nous montrer certains rapports entre les points, tandis qu’il y a d’autres rapports(*) que l’expérience ne nous montre pas. Car, sans cela, il serait impossible qu’il y ait des arrangements des points qui nous paraissent plus « naturels » que d’autres arrangements.

(3). Du moment qu’on admet que l’expérience nous montre des relations spatiales, il s’ensuit que ces relations que nous percevons sont ou bien euclidiennes, ou bien non-euclidiennes. Je ne sais pas lequelf des alternatives il faut choisir si les relations actuelles (c’est à dire celles que nous percevons) sont euclidiennes, nous ne le saurons jamais. Je dirais donc que l’expérience décide, entre limites, de la nature des relations spatiales actuelles ; mais qu’on ne saurait arriver à un résultat parfaitement exacteg dans un tel cas, puisque des erreurs très petites restent toujours possibles.

Je ne vois aucune objection logique à la théorie de la grandeur de Burali-Forti. Il ne faut nullement la comparer à la mienne, qui est une théorie d’un tout autre objet, auquel par chance j’ai donné le même nom. Je crois que la Df de Grand f est nominale, mais il reste à en prouver l’existence. C’est par rapport à l’existence que l’arithmétique est si utile. Car on prouve d’abord l’existence des nombres rationelsh comme relations univoques et réciproques entre les nombres cardinalsi finis ; alors on définit les nombres réels comme segmentsj de la série des rationels. C’est à dire,

Nombre réel =k cls ∩ u ɜ
[Ǝ cls‘ nombres rationels ∩ v ɜ
{u = x ɜ (Ǝvy ɜ (x < y))}] Df

On démontre alors que la série des nombres réels est continue. Je ne sais pas d’autre méthode pour démontrer l’existence du continu. Excepté sur ce seul point, je suis d’opinion que la théorie de Burali-Forti est indépendante de l’arithmétique, et que ses objets se définissent en termes purement logiques.

J’ai lu avec beaucoup de plaisir votre deuxiêmel article, qui me paraît excellent. Il n’y a qu’un seul point sur lequel j’ai trouvé une erreur, que, du reste, j’ai moi-même commise autrefois. Une série n’est pas une classe, mais une relation. Dans le Vol. 8 de la Revue de Mathématiques, j’ai corrigé ce que j’avais dit là-dessus dans le Vol. 7. Si vous essayez de donner une Df formelle de ω, vous trouverez que, autant qu’on regarde une série comme une classe, on donne toujours la Df de α0 au lieu de celle de ω. J’ai fait ceci moi-même, T. VII, p. 126, § 3 P l. l. Ce que j’y appelais ω était vraiementm α0. Voir mon article dans T. VIII, introduction, et Prop 1.35 (p. 15).

Moi aussi je me réjouis énormément de l’accord anglo-français. Dans le moment, il nous empêche de nous brouiller avec la Russie ; et pour l’avenir il diminue beaucoup la probabilité des guerres. Il paraît en effet quen l’arbitrage international fait des progrès très rapides.

Je travaille dans le moment à mon Vol. II. C’est la théorie des fonctions et des classes qui me cause les plus grandes difficultés, à cause de la contradiction. Je croyais l’été passé qu’on pouvait se passer des classes ; mais j’ai trouvé que la contradiction revenait pour les fonctions. A présent j’ai une autre méthode, qui paraît conduire au but ; mais il me faudra du temps pour savoir si elle est juste.

Je vous prie de présenter mes hommages à Madame Couturat, et de me croire votre cordialement dévoué

Bertrand Russell.

L’omission de l’existence dans les Df de 1, 2 etc. dans l’American Journal est une pure erreur. On doit mettre

1 = u ɜ [Ǝux ɜ (u – ιx ε 0)] Df

2 = u ɜ [Ǝux ɜ (u – ιx ε 1)] Df etc.

(*) qui subsistent, mais qui n’existent pas

Textual Notes

  • a

    Farnham Adresse imprimée

  • b

    table [s]

  • c

    donné sic

  • d

    classes [relations]

  • e

    qu’exclue sic

  • f

    lequel sic

  • g

    exacte sic

  • h

    rationels sic

  • i

    cardinals [relations]

  • j

    segments [des r]

  • k

    = rature

  • l

    deuxiême sic

  • m

    vraiement sic

  • n

    que [la cause de]

Publication
Schmid, Russell—Couturat 2: #133
Permission
Everyone
Transcription Public Access
Yes
Record no.
53230
Record created
Aug 06, 1996
Record last modified
Nov 19, 2025
Created/last modified by
duncana