BRACERS Record Detail for 53226
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Distinctions between "= ... Df". "≡" [equivalence], " = ".
Extensionality and more on existence, existential props.
BR TO LOUIS COUTURAT, 14 MAR. 1904
BRACERS 53226. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #129
Edited by A.-F. Schmid
14, Cheyne Walk,
Chelsea, S.W.a
le 14 mars 1904
Cher Monsieur,
Je vous remercie d’avance des envois que vous me promettez, qui arriveront sans doûteb demain. Vos questions et vos objections sont très utiles pour moi, car les explications sont beaucoup plus faciles quand on a à répondre à une critique (même hypothétique) que quand il faut les imaginer soi-même.
Pour les diverses égalités : on a (1) « = ... Df » (ce qui, d’après une explication de Peano, ne fait qu’un seul signe). Ceci n’exprime pas « est identique avec » mais « signifie ». Ce qu’on exprime est une P. sur les symboles, non pas sur ce qu’ils expriment.
(2) « . ≡ . » Ceci se définit
p ≡ q . = . p ⸧ q . q ⸧ p Df
Cette relation subsiste (α ) entre deux P. vraies (β) entre deux êtres qui ne sont pas des P. vraies.
(3). x = y . = : φx . ⸧φ . φy Df
Ceci exprime l’identité absolue. On aurac
⊢ :. a, b ε Cls : x ε a . ≡x . x ε b : ⸧ . a = b
Cette P. sera ou bien elle-même une Pp, ou se déduira d’une Pp très voisine de celle-ci. C’est cette P. qui décide qu’on a affaire aux classes en extension : sans elle, l’arithmétique est impossible. On aura de même
⊢ :. P, R ε Rel : xPy . ≡x,y . xRy : ⸧ . P = R
ce qui sera de même une Pp. ou une conséquence d’une Pp. Donc on pourra se passer d’autres espèces d’équivalence.
Je ne suis pas de l’opinion de Kant, que l’existence ne soit pas un prédicat. C’est à dire, je trouve que les 2 concepts : « 100 thalers » et « 100 thalers existantes » sont différentes. La seconde contient l’existence d’une manière analytique. Mais il ne s’en suit nullement (comme le prétend l’argument ontologique) que ces 100 thalers existantes existent en effet. Ce qui manque, c’est l’assertion, c’est ce que Frege représente par « ⊢ ». En termes plus strictes, ce qui manque, c’est la vérité. Une P. qu’on n’affirme pas (ou plutôt que la nature des choses n’affirme pas) contient les mêmes éléments que si elle était affirmé,d c’est à dire vraie. C’est la vérité, et non pas l’existence, qui n’ajoute rien à un concept. (Pour cela il faut, naturellement, que ce soit un concept propositionnelle.e Voir Meinong, Ueber Annahmen, Leipzig, 1902.) Quand je dis que l’existence n’est connue que par expérience, je veutf dire seulement
(1) que tout P. existentielle dont la vérité est évidente est une P. qu’on aperçoit dans la sensation — car la sensation, pour moi, c’est la perception de P. existentielles évidentes ; (2) que quand on démontre l’existence de quoi que ce soit, on emploie toujours au moins une prémisse tirée de l’expérience : on aura l’« existence de a . ⸧ . l’existence de b » et « a existe ». L’implication ne vient pas de l’expérience, mais l’affirmation de la prémisse vient de l’expérience, ou se déduit de quelqu’autre prémisse qui vient de l’expérience. Toute science causale emploie des principes à priori (en un sens), qui permettent de déduire l’existence de l’existence.
Le mot grandeur s’emploie dans beaucoup de sens. Dans mon sens, la continuité n’est pas une propriété essentielle de la grandeur ; mais je n’ai aucune objection à ce qu’on emploie le mot dans un autre sens. Je n’ai pas encore lu Huntington, mais j’ai lu l’ancien mémoire de Burali-Forti. On appelle grandeur dans ce sens tout ensemble dont les termes ont des relations d’un certain type. Mais c’est une vraie erreur de déduire les nombres de la grandeur : la théorie cardinale me paraît essentielle. Pour moi, la grandeur n’appartient pas à la mathématique pure, parce que la relation d’inégalité entre grandeurs, dans mon sens, est indéfinissable. Mais la grandeur dans mon sens ne se trouve pas vraiementg dans la mathématique traditionnelle, quoiqu’on ait crû qu’elle s’y trouvait. Je vous écrirai davantage sur ce thème quand j’aurai lu les mémoires dont vous parlez.
J’ai vu le compte rendu de Milhaud. Il est vrai que je ne sais démontrer que tous mes principes sont nécessaires, et qu’en toute probabilité il y en a dont on pourra se passer. Mais je ne vois guère d’appelleh aux sentiments, excepté qu’il en faut toujours, dans un sens, pour faire admettre des Pp, comme on l’a toujours fait pour la loi de la contradiction.
Je ne me suis pas encore décidé au sujet du Congrès de Philosophie — si je me trouve très occupé, je pense qu’il vaudra mieux de ne pas venir.
Veuillez recevoir mes meilleurs vœux pour vous et pour Madame Couturat, ainsi que mes amitiés très cordiales.
Bertrand Russell.
