BRACERS Record Detail for 53200

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Collection code
RA3
Recent acquisition no.
422
Box no.
6.51
Source if not BR
La Chaux-de-Fonds Bib.
Recipient(s)
BR
Sender(s)
Couturat, Louis
Date
1903/05/12
Form of letter
ALS(X)
Pieces
2
Transcription

LOUIS COUTURAT TO BR, 12 MAY 1903
BRACERS 53200. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #103
Edited by A.-F. Schmid


7, Rue Nicole, Paris V.
12 mai 1903.

Cher Monsieur,

Je me plaignais de ne plus avoir de vos nouvelles, et voici que j’en reçois coup sur coup sous la forme de deux envois également intéressants, dont je m’empresse de vous remercier. Je ne puis évidemment être que très satisfait et très flatté du compte-rendu très exact et très détaillé que vous avez fait de mon livre dans le Mind, et je vous en suis très reconnaissant. (A propos, avez-vous mes Inédits de Leibniz ? Je puis vous les envoyer, si vous voulez en rendre compte [suivant convention avec l’éditeur].) Je suis surtout touché de la façon dont vous me donnez raison sur le point essentiel où nos interprétations différaient. C’est un exemple de sincérité qui paraît toute naturelle chez un vrai philosophe, mais qui est assez rare en réalité ; c’est pourquoi je me permets de vous en louer. Je ne trouve naturellement rien à discuter dans vos opinions, si conformes aux miennes. Je relève seulement deux paradoxes logiques assez contestables (le paradoxe est votre péché mignon, et je reconnais que la plupart de vos paradoxes sont justes et suggestifs) ; l’un au milieu de la p. 26 ; l’autre, p. 10, sur le principe de raison. Pour résoudre celui-ci, il suffirait de dire que ce principe est la définition même de la vérité (comme Leibniz le dit lui-même), de sorte qu’il peut être synthétique sans être faux. Pour répondre à la note de la même page 10, je vous dirai que c’est là mon opinion ; mais je ne sais pas si c’est celle de Leibniz, qui du reste ne se posait pas la question comme nous (il n’avait pas la notion d’analytique). En tout cas, il me semble qu’il admettait d’autres principes logiques que celui de contradiction : celui d’identité, d’une part, et le principe de substitution des équivalents, d’autre part. — J’approuve aussi tout ce que vous dites de Cassirer ; je crains seulement que le parallèle final entre lui et moi ne lui soit désagréable, bien qu’en conscience je le croie juste. Il est certain que je me suis placé à un point de vue purement historique, et que je n’ai apporté dans cette étude aucune théorie préconçue. Vous indiquez en passant que la vraie théorie de la Logique est intermédiaire entre le point de vue de l’extension et celui de la compréhension ; cela pique vivement ma curiosité, et j’espère qu’elle sera satisfaite par votre grand ouvrage.

Je ne vous dirai pas que j’ai déjà lu celui-ci : vous ne le croiriez pas ! Je l’ai seulement feuilleté ; et j’ai admiré l’ampleur et la clarté du plan, la netteté des divisions ; j’ai entrevu ça et là, par les rubriques, bien des théories intéressantes que je connais plus ou moins. J’ai aperçu mon nom ça et là, et je suis vraiment flatté qu’il ait trouvé place dans cette vaste construction. C’est un véritable monument, mais qui n’effraie pas, tant on sent de lucidité et d’ordre logique dans votre exposition. C’est toute une philosophie des mathématiques, dont j’entrevois les idées maîtresses, grâce à votre article de l’International Monthly, qui m’avait vraiment frappé (A propos, M. Mansion m’annonce que vous avez publié une lettre à M. Lechalas ; pourriez-vous m’en donner un tirage à part, si vous en avez ?) C’est un ouvrage qui me paraît sans précédent dans la littérature philosophique, et qui en tout cas est original par son contenu, emprunté aux mathématiques contemporaines. Il me tarde de voir comment vous comprenez la Logique et notamment la Logique des relations : car ce sont les sujets que j’étudie en ce moment (je suis plongé dans De Morgan, bien suggestif, mais bien confus). Je tâcherai de rendre compte de votre livre dans la RMM : c’est du moins mon vif désir, mais je ne réponds de rien, tant je suis occupé et pressé. J’ai toujours une nombreuse correspondance pour la Délégation ; et nous faisons imprimer notre Histoire de la Langue universelle, un gros travail, peu original, mais très documenté.

J’espère que la santé de Madame Russell est tout à fait rétablie, et que la vôtre n’a pas souffert de ce grand travail. Recevez, cher Monsieur, mes vœux pour l’une et l’autre, et mes meilleures amitiés.

Louis Couturat

P. S. J’espère que vous avez bien reçu le nouveau fascicule du Vocabulaire philosophique, et que nous profiterons de vos observations.

Publication
Schmid, Russell—Couturat 1: #103
Permission
Everyone
Transcription Public Access
Yes
Record no.
53200
Record created
Aug 23, 1993
Record last modified
Nov 26, 2025
Created/last modified by
blackwk