BRACERS Record Detail for 53141

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Collection code
RA3
Recent acquisition no.
422
Box no.
6.51
Source if not BR
La Chaux-de-Fonds Bib.
Recipient(s)
BR
Sender(s)
Couturat, Louis
Date
1899/10/15
Form of letter
ALS(X)
Pieces
4
Transcription

LOUIS COUTURAT TO BR, 15 OCT. 1899
BRACERS 53141. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #44
Edited by A.-F. Schmid


Paris, 7, Rue Nicole
le 15 octobre 1899.

Cher Monsieur,

Nous avons vivement regretté que vous avez été obligé de quitter l’Italie plus tôt que vous ne le pensiez. Si vous m’aviez prévenu plus tôt, j’aurai pu vous donner rendez-vous par télégramme à Paris, où nous étions depuis le 8 ; mais nous n’aurions pas pu vous recevoir, car nous étions à l’hôtel ; nousa avons emmenagé avant-hier, et nous ne sommes pas encore installés. Vous avez d’ailleurs occupé tous les loisirs que le déménagement m’a laissés, car le temps que je ne consacrais pas à traduire votre article, je le passais à corriger les épreuves de votre livre. Je vous attendais justement pour vous soumettre une correction. A la p. 18, vous avez dit : « On any surface, such as a cone or a cylinder, on which straight lines can be drawn, there have no curvature, so that the measure of curvature is everywhere zero ». Il est clair qu’il s’agit ici des surfaces développables, càd applicables sur un plan, et non des surfaces réglées, c’est à dire engendrées par le déplacement d’une droite dans l’espace. Or votre phrase sembleb indiquer une surface réglée aussi bien qu’une surface développable. Vous avez dû vous en apercevoir, car vous avez corrigé ainsi : « on which series of intersectingc straight lines can be drawn ... ». Mais je me demande si cette correction est juste, ou si elle dit bien ce que vous voulez dire. Ou bien elle veut dire que les droites d’une même série se coupent une à une, ce qui est faux, attendu que les génératricesd d’une surface développable sont les tangentes à une courbe gauche, lesquelles ne se coupent pas (en général). Ou bien elle veut dire que les droites d’une série coupent celle d’une autre série ; mais cela ne caractérise pas les surfaces développables, attendu que cela a lieu sur l’hyperboloïde à une nappe, qui est une surface réglée. Donc la phrase corrigée est tout au moins ambiguë ; or ce qui distingue les s. développables des s. réglées, ce n’est pas qu’elles aient des génératrices rectilignes qui se coupent ou ne se coupent pas, c’est qu’elles ont ces génératrices pour lignes de courbure, de sorte que leur courbure est nulle (ce qui n’a pas lieu pour les surfaces réglées). Voici donc comment je vous propose de rédiger la phrase : « Toutes les surfaces, telles que le cône ete le cylindre, qui ont des lignes droites pour lignes de courbures (!), ont une courbure nulle en tous leurs points, attendu que des lignes droites n’ont pas de courbure ». Et j’ajouterais cette note, à l’usage des profanes :

(1). « De telles surfaces sont dites développables, parce qu’elles sont applicables sur un plan sans déchirure ni duplicature. Elles peuvent être considérées comme engendrées par la tangente à une courbe gauche ; leurs génératrices sont en même temps des lignes de courbure. Il ne faut pas les confondre avec les surfaces réglées, engendrées par une droite qui se déplace d’une manière quelconque dans l’espace, car les génératrices de celles-ci ne sont pas (en général) des lignes de courbure, de sorte que ces surfaces ont une courbure non nulle (négative) ». (Note de M. Couturat).

Cette note remplacerait la note erronée que j’avais insérée à la même place : « Ces surfaces, qui peuvent être considérées comme engendrées par le déplacement d’une droite dans l’espace, s’appellent surfaces réglées, » à laquelle M. Cadenat avait ajouté cette remarque, exacte en soi, mais inconséquente avec la précédente : « Dans les surfaces développables, la courbure est nulle en chaque point. » Mon erreur venait de ce que j’avais interprété votre phrase au sens littéral sans réfléchir à son véritable sens. Je crois que la rédaction que je propose est exacte et exempte de toute équivoque. J’espère que vous l’approuverez, car M. Cadenat m’apprend que vous avez noté ceci sur son manuscrit : « Il faut que les surfaces soient développables, et non pas seulement réglées ». En somme, nous sommes d’accord tous les trois sur le sens, il ne s’agit que d’en trouver l’expression adéquate & précise. 

— Il se pourrait que votre réponse à M. Poincaré parût dans le n° de novembre, surtout si mon compte-rendu du livre de M. Whitehead n’est pas prêt à temps. Je pense que la traduction de votre ouvrage pourra paraître vers ce moment, ou au plus tard en décembre. J’en ai déjà reçu les 12 premiers placards, contenant tout le Chap. I. — M. Cadenat a été fort souffrant le mois dernier, et n’a pu collaborer à la correction des épreuves jusqu’ici.

Je vous remercie de l’aimable invitation que vous nous adressez pour l’an prochain. Mais il est peu probable que nous puissions nous y rendre, malgré le vif désir que nous en aurions, parce que je serai sans doute fort occupé à cette époque, et que d’ailleurs ma santé ne me permet guère de voyager qu’en été, ou au moins au printemps (à Pâques par exemple). Mais si nous ne trouvons pas le moyen de passer la Manche, c’est vous qui viendrez sur le continent au mois d’août, peut-être même plus tôt, de sorte que nous aurons en tout cas l’occasion de nous revoir au Congrès. Je suis heureux de pouvoir vous dire que notre entreprise internationale n’a pas souffert (comme je le craignais) du scandaleux verdict de Rennes, dont nul n’est plus indigné et révolté que moi. Il y a eu qu’une seule démission du Comité de patronage, et depuis lors on a reçu de nouvelles adhésions, notamment d’Allemagne. On a compris que, si odieux que soit un flagrant déni de justice, aucun peuple n’a (malheureusement !) le droit de prétendref au monopole de la justice et de se poser en champion et en vengeur du droit outragé. Les passions aveugles et le fanatisme populaire sont les mêmes en tout pays, qu’ils s’appellent chauvinisme ou jingoïsme, nationalisme ou impérialisme. Madame Roland s’écriait sur l’échafaud : « O liberté! que de crimes on commet en ton nom ! ». On peut dire qu’on commet bien plus de crimes encore au nom de la patrie ou de la religion.

Veuillez, cher Monsieur, présenter mes hommages à Madame Russell, et recevoir, avec tous nos regrets d’avoir manqué l’entrevue projetée, l’expression de mes sentiments sympathiques et dévoués.

Louis Couturat

Textual Notes

  • a

    nous [et]

  • b

    semble [pourr]

  • c

    intersecting [straigh]

  • d

    génératrices [sur une s]{les génératrices} au-dessous de la ligne

  • e

    et [et][{ou}]{et} au-dessous de la ligne

  • f

    prétendre [se pres]

Publication
Schmid, Russell—Couturat 1: #44
Permission
Everyone
Transcription Public Access
Yes
Record no.
53141
Record created
Aug 20, 1993
Record last modified
Nov 09, 2025
Created/last modified by
blackwk