BRACERS Record Detail for 53217
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LOUIS COUTURAT TO BR, 30 NOV. 1903
BRACERS 53217. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #120
Edited by A.-F. Schmid
Paris,
30 novembre 1903.
Cher Monsieur,
Ne craignez pas une nouvelle « bordée » d’objections : le format de cette lettre doit vous rassurer à première vue. Je viens seulement vous demander quelques explications sur une phrase d’une de vos dernières lettres,a où vous disiez : « ~ p ⸧ p . ⸧ . p est le fondement de presque tous les raisonnements des philosophes idéalistes ». Cette idée m’a frappé et m’a paru ingénieuse ; j’en ai parlé à Vailati, qui en a été aussi frappé, et à d’autres. On me demande des éclaircissements,b que je ne puis guère donner avec certitude ; il vaudrait mieux que vous expliquiez vous-même votre idée dans un petit article, pour la Revue de métaphysique (peu importe sa longueur). Je crois, d’aprèsc les allusions que vous faites souvent aux idéalistes dans votre livre, que vous avez quelque chose à dire sur leur méthode logique, que vous n’avez pas pu dire dans votre livre. J’espère donc que vous n’aurez que la peine de coucher vos idées sur le papier.
— En échange, voici ce que Vailati me dit d’intéressant au sujet de cette formule ; elle a été employée par Euclide dans la démonstration du théorème IX, 12, qui se résume en ceci : « Si le nombre premier r ne divise pas m, il en résulte qu’il divise m », ce qui est à démontrer. Je peux vous fournir plus de détails, si vous le désirez ; mais je suppose que vous avez Euclide sous la main, puisque c’est un classique anglais. Clavius traite cette démonstration de admirabilis. Il paraît que Cardano a cru inventer ce moded de raisonnement. Vailati l’a retrouvé dans la Logica demonstrativa de Sacchieri (1697), l’auteur d’Euclides ab omni naevo vindicatus (1733) : article de la Rivista filosofica sett.-ott. 1903 (que je peux vous communiquer).
— Je suis en ce moment plongé dans Kant et dans Vaihinger, et je suis effrayé des confusions des idées et des contradictions que Vaihinger3 découvre dans la Critique. Je ne m’étonne plus que ce livre me parût obscur, et ne m’ait jamais satisfait.
Croyez-moi, cher Monsieur, votre cordialement dévoué
Louis Couturat
