BR TO LOUIS COUTURAT, 29 SEPT. 1902
BRACERS 53195. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #98
Edited by A.-F. Schmid

14, Cheyne Walk,^a
Chelsea, S.W. London
29 septembre 1902.

Cher Monsieur,

Je vous remercie très cordialement des photographies de Moret que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Elles m’ont rappelé la plus belle période de ma jeunesse. La statue de bois sur votre dernière carte postale a l’air très intéressant.^b

Je n’ai pas grand’chose à vous dire, sinon que ma femme se porte mieux, quoiqu’elle ne soit pas encore en complète santé, et que nous allons passer les six mois prochains à Londres. Nous sommes tout près de la maison de Carlyle, qui est préservée comme musée nationale.^c On voit la Thamise^d à travers des arbres ; c’est peut-être, dans la ville entière, l’endroit qui ressemble le plus à Paris.

Je suis très occupé par mon livre, qu’on imprime lentement, et par le Vol. II, que je prépare en collaboration avec Whitehead. Je ne sais que faire d’une classe de contradictions, dont voici la plus simple :

w = x ɜ (x ~ ε x) . ⸧ : x ε w . ≡ . x ~ ε x : ⸧ : w ε w . ≡ . w ~ ε w

J’ai essayé maintes solutions sans succès. On trouve des contradictions de ce genre en appliquant à la classe de tous les individus, ou de toutes les propositions, ou de toutes les relations, la preuve que donne Cantor qu’il n’y a pas de nombre cardinale^e maximum. Quand on a commencé à imprimer mon livre, j’ai cru pouvoir éviter ces contradictions, mais je vois à présent que je me trompais, ce qui diminue de beaucoup la valeur de mon livre.

Je n’ai pas encore reçu d’épreuves de mon compte rendu^f de votre livre, et je ne sais pas quand il va paraître. J’attends avec impatience vos Inédits.

Veuillez faire mes meilleurs compliments à Madame Couturat, et acceptez pour vous mes très cordiales amitiés.

Bertrand Russell.

Notes

^aAdresse imprimée, London ajouté à la main ^b-fsic