BRACERS Record Detail for 53193
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LOUIS COUTURAT TO BR, 8 JULY 1902
BRACERS 53193. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #96
Edited by A.-F. Schmid
Les Sablons, par Moret
(Seine & Marne)
le 8 juillet 1902
Cher Monsieur,
Bien que je sois à la campagne pour tout l’été, j’ai tant à faire que je n’ai pas encore eu le temps de répondre à votre lettre. Nous avons été vivement contrariés d’apprendre la maladie de Mrs. Russell ; cela a dû vous donner beaucoup de soucis et d’inquiétudes. Nous sommes heureux qu’elle se porte mieux, nous espérons & souhaitons qu’elle sera bientôt rétablie.
A ce propos, j’ai entendu dire que Mrs. Whitehead était gravement malade. Est-ce exact ? Cela serait vraiment malheureux, pour une si charmante femme, pour son mari et pour ses enfants. Renseignez-moi, je vous en prie, et dites bien à M. Whitehead combien nous prenons part à ses peines, et combien nous désirons la guérison de Mrs. Whitehead.
— Je vais attendre avec impatience l’apparition de votre nouveau livre, dont vos lettres m’ont permis de suivre l’éclosion, et de deviner l’intérêt. Je me promets beaucoup de profit de sa lecture, et je tâcherai de contribuer à sa diffusion.
Je n’ai pas lu les ouvrages de Frege et de Meinong dont vous me parlez. Je n’ai guère lu cette année, si ce n’est des projets de langue universelle pour notre Histoire de la L .I. Elle va être bientôt finie ; quand elle sera publiée, et quand mes Inédits de Leibniz seront achevés d’imprimer, j’aurai un peu plus de liberté, et je pourrai revenir à la Logique. A propos, j’ai appris de Mrs. Ladd-Franklin la mort de M. Schröder, qu’elle a vue annoncée dans un journal de Berlin. J’ai écrit à Karlsruhe pour avoir confirmation de la nouvelle, et n’ai pas encore reçu de réponse.
Je suis récemment en relations avec M. George Henderson, éditeur de plusieurs journaux illustrés de London, et auteur de plusieurs projets de L. I. auxquels il ne tient pas autrement, d’ailleurs ; il est surtout partisan de l’idée, et se montre très sympathique à notre entreprise. Il est venu me voir ici, et nous avons fait un tour dans la forêt de Fontainebleau, dont nous habitons la lisière. Vous savez que Moret est sur la grande ligne P. L. M. ; tâchez donc de vous arrêter chez nous quelques heures quand vous passerez par là : vous savez que vous nous ferez grand plaisir.
Dès que j’ai reçu votre lettre, j’ai écrit à Lalande de vous envoyer une épreuve de notre Vocabulaire ; vous devez l’avoir reçue. Nous serons heureux d’avoir vos observations pour la fin de ce mois (juillet).
— Je suis bien aise de ce que vous me dites de la paix en Afrique. Elle a été un soulagement pour l’humanité. Malheureusement, le mal fait est fait, et sera difficile à réparer, le mal moral surtout. Mon opinion n’a pas changé d’une ligne sur les faits ; je suis heureux de voir que la vôtre s’est modifiée. L’impérialisme est une folie qui coûtera cher à la Grande Bretagne, j’en ai peur, et qui, en attendant, lui vaut l’hostilité de toute l’Europe (celle de la France n’est rien en comparaison de celle de l’Allemagne). C’est attristant pour les amis de l’Angleterre et de la paix. Chez nous, les nationalistes (nos jingoes) sont battus ; avouez que cela vaut mieux pour le repos de la France et de l’Europe.
Recevez, cher Monsieur, nos meilleurs vœux pour la santé de Mrs. Russell, et mes bien cordiales amitiés.
Louis Couturat
