BRACERS Record Detail for 53188
To access the original letter, email the Russell Archives.
LOUIS COUTURAT TO BR, 12 JAN. 1902
BRACERS 53188. ALS. La Chaux-de-Fonds Bib., Suisse. Russell–Couturat 1: #91
Edited by A.-F. Schmid
7, rue Nicole. Paris V.
12 janvier 1902
Cher Monsieur,
Je suis bien aise d’avoir de vos nouvelles. Je n’ai pas pu vous donner des miennes, tant je suis occupé (mes moindres moments de loisir étant consacrés à la propagande pour la L. I.). Je suis très heureux que vous ayez été chargé du compte-rendu de mon livre dans le Mind.(1) Je ne puis guère vous conseiller d’attendre les Inédits, car ils ne paraîtront pas avant 3 ou 4 mois au minimum. Voilà déjà plus de 3 mois que j’y travaille, et on n’a encore imprimé que 100 pages. C’est un travail très long et très délicat, comme vous le devinez ; j’ai dû faire toutes les figures, faire graver 24 signes nouveaux, etc. ; et j’ai entrepris de faire un Index nominum et rerum, ce qui n’est pas une petite affaire. D’ailleurs, les textes inédits essentiels se trouvent cités ou résumés dans mon livre.a Je vous conseille seulement d’attendre le n° de janvier de la Revue de Métaphysique, où je publie le plus beau et le plus important de tous mes Inédits, et où je discute, entre autres choses, votre interprétation. Vous y trouverez tous les arguments et tous les textesb qu’on peut faire valoir contre elle.
J’ajoute que mes Inédits contiennent beaucoup de textes qui n’ont qu’un rapport lointain avec mon livre (mathématiques, par exemple), de sorte qu’ils demanderont une étude à part, indépendante des thèses philosophiques que je soutiens. Il y aura notamment la Méthode de l’Universalité ; le Pacidius Philalethi d’octobre 1676 (in extenso) et la préface du Phoranomus, que j’ai copiés (ou fait copier par ma femme) parce que je les avais sous la main, et que cela m’intéressait. Je veux surtout montrer l’incroyable négligence ou paresse de GERHARDT, et son manque de critique et de flair. Pensez donc que j’ai 50 pages remplies de ses essais de Calcul logique d’avril 1679, contenant le système des nombres caractéristiques, et dont on n’a pas publié une ligne !
Je suis curieux de savoir comment vous répondrez à M. Lechalas et développerez votre thèse de l’espace absolu, qui me paraît toujours assez paradoxale. Mais je suis surtout impatient de connaître le résultat de vos travaux de Logique mathématique, qui me paraissent très importants et intéressants. Je n’ai pas encore eu le temps de lire (car il faut du loisir et de la réflexion) la fin de votre Logique des Relations dans RdM. Je suis, je le répète, entièrement pris par mon Leibniz, d’abord, et puis par la L. I., qui m’attire une correspondance incessante de tous les pays. Le prof. Ostwald vient de publier ma brochure Pour la L. I. dans le 2e n° de ses Annalen der Naturphilosophie. J’espère que cela va nous gagner des adhésions en Allemagne. Nous avons pour nous les philologues Hugo Schuchardt, de Graz ; Baudouin de Courtenay, de Petersbourg, et de beaucoup de savants français ; mais peu d’Anglais, jusqu’ici. Pourtant, le besoin des langues étrangères paraît se faire sentir chez vous, s’il est vrai que le roi ait fondé un prix de langues vivantes à Eton. Or les besoins pratiques auxquels répond l’enseignement des langues vivantes ne peuvent jamais être complètement satisfaits par ce moyen, et le seraient à bien meilleur marché par une L. I. D’autre part, il est impossible d’attendre de tels services d’une idéographie quelconque, comme celle de Peano, 1° parce qu’elle est écrite, et non parlée ; 2° parce qu’elle s’applique aux sciences exactes, mais non aux notions plus complexes des sciences naturelles et morales, et encore moins à celles de la vie courante. Tâchez donc d’en parler un peu autour de vous à Cambridge, pendant que vous y êtes, pour faire connaître notre œuvre et dissiper les préjugés ou les malentendus.
— Je vous remercie de vos vœux, et je vous envoie nos souhaits bien sincères pour vous et pour Madame Russell. Votre cordialement dévoué
Louis Couturat
P. S. Vous savez que la Revue de Métaphysique insérera avec plaisir ce que vous voudrez bien lui envoyer, quand ce ne serait que votre réponse à M. Lechalas. Je vous prie de me rappeler au bon souvenir de M. Whitehead (et de Mme. Wh.) et de lui demander s’il ne pourrait pas nous donner l’article qu’il nous avait laissé espérer.
J’ai fait un compte-rendu du Formulaire Peano dans le Bulletin des Sciences math. (Darboux) ; il a paru, et les « Peanistes » en ont été satisfaits. Mais je n’ai pas encore reçu mes tirages à part. Je compte vous en envoyer un. Je crois que vous recevez personnellement la Revue de Métaphysique ; dans le cas contraire, je vous enverrais un tirage à part de mon article sur Leibniz.
Notes
(1) A propos, vous dites qu’on vous a envoyé mon livre ; j’espère que vous avez bien reçu l’exemplaire que je vous ai envoyé directement ?
aCouturat avait d’abord écrit : « dans mon livre ou résumés », qu’il a inversés b{et tous les textes} au-dessous de la ligne
